Ushuaia, la ville du bout du monde
Mardi 29 septembre 2009.
Ushuaia... Nom magique s'il en est, largement diffusé par une émission télévisée. Nom évocateur d'un bout du monde aussi improbable qu'inaccessible. Nom purement mythique, en somme... Et pourtant j'y suis, en chair et en os, pour de vrai ! Je suis arrivé hier soir, au terme d'un vol de plus de deux heures, au départ de Trelew. Bien qu'effectuée de nuit, l'approche d'Ushuaia a été somptueuse : on survole d'abord la masse imposante des Andes enneigées (la cordillère de Darwin), puis on a l'impression de se poser directement sur l'eau du Canal de Beagle. Mais quelques secondes avant que l'avion n'atterrisse, la piste apparaît soudainement, pour notre plus grand soulagement.
La première chose que je remarque en arrivant, c'est que l'aéroport s'appelle curieusement Malvinas Argentinas, bien que les Iles Falkland (Islas Malvinas en espagnol) se trouvent à quelque 500 km d'Ushuaia... La guerre perdue des Malouines (1982) est perçue comme un traumatisme dans l'âme argentine et partout, notamment aux frontières, on revendique la souveraineté sur ces îles britanniques. Las Malvinas son Argentinas...
L'histoire d'Ushuaia est très récente. Elle commence en 1869 avec l'implantation d'une mission anglicane sur les bords du Canal de Beagle, dirigée par le pasteur Thomas Bridges. Mais Ushuaia ne sera officiellement fondée que le 12 octobre 1884. Au début du siècle dernier, ce n'était encore qu'un modeste village, ainsi qu'on peut le voir sur le document ci-contre. Sa première expansion débute en 1902, avec le transfert du bagne qui se trouvait précédemment sur l'Isla de los Estados, et la construction du Presidio, prison qui sera achevée en 1920. Mais en 1947, le président Perón en ordonne la fermeture, et transforme les installations pénitenciaires en base navale (1950). Il faudra attendre le début des années 1970 pour que la ville et le port soient déclarés zone franche par le gouvernement argentin, et qu'un plan de développement industriel y soit créé. Les migrants y affluent alors des quatre coins du pays. Les salaires y sont beaucoup plus élevés que dans le reste de l'Argentine, ce qui a évidemment contribué à l'explosion démographique et urbaine d'Ushuaia. Le tourisme a fait le reste.
Ce matin, je constate que si le temps est clair, le ciel est cependant parcouru de nombreux nuages, comme c'est fréquemment le cas ici. A l'hôtel, la salle du petit déjeuner est panoramique, et je suis émerveillé par le spectacle qu'offre la baie d'Ushuaia. Le port est cerné de montagnes, la chaîne Martial au nord et la partie chilienne de la cordillère de Darwin au sud. Les cimes sont enneigées, bateaux et maisons apportent des touches de couleurs vives, c'est tout simplement superbe ! Partons ensemble à la découverte d'Ushuaia.
Comme pour presque toutes les villes-champignons récentes de Patagonie, Ushuaia s'est développée de façon assez anarchique, sans ordre particulier et même dans la précipitation. Les maisons sont multicolores, et couvertes de tôle ondulée, ce qui donne à l'ensemble un petit côté scandinave. Partout des immeubles sont en cours de construction : ils ne sont pas encore achevés que déjà leur rez-de-chaussée est ouvert aux activités commerciales ! Sur les échafaudages, on reconnaît une main d'oeuvre bolivienne, qui s'entasse la nuit dans les villas miserias de la périphérie. Les rues sont très pentues, et inégalement asphaltées. Certains boulevards autour de la baie n'ont pas encore été goudronnés, mais ils sont déjà bordés de réverbères. Sur l'Avenida San Martin, qui est celle de tous les commerces et de tous les hôtels, il y a régulièrement des embouteillages de 4x4 bourrés de gadgets et de haute technologie. Plus encore qu'à Puerto Madryn, il règne ici une atmosphère pionnière. C'est à ce titre qu'il est intéressant de se promener dans les rues du centre d'Ushuaia, totalement défiguré et perverti par l'affairisme commercial et touristique. Mais il suffit de s'éloigner de trois ou quatre cuadras (pâtés de maison) pour retrouver une ambiance plus authentique, celle d'un gros village. Et puis, il faut bien reconnaître que l'écrin de cet étrange phénomène est absolument sublime !
Sur fond de cordillère de Darwin, voici l'Antiguo Templo (la première église) et l'église N.S. de la Merced.
Même le clocher de l'Antiguo Templo est fait de tôle ondulée.
Rues perpendiculaires au Canal de Beagle.
Navires
de pêche.
de plaisance.