De la Péninsule Valdés à Punta Tombo
Dimanche 27 et lundi 28 septembre 2009.
Ces deux journées vont être consacrées à la découverte de la faune sauvage de la Patagonie atlantique. En ce dimanche, le temps est très clair et dégagé sur Puerto Madryn, en dépit de quelques petits nuages que l'infatigable vent patagon fait défiler à toute vitesse dans le ciel. C'est de très bon augure pour la journée, même si le temps peut toujours changer très rapidement dans cette contrée. Une guide argentine vient me chercher à l'hôtel de bon matin, et j'intègre un petit groupe d'Argentins. Nous sommes huit au total, et nous partons pour la Reserva Faunística Península Valdés (Réserve faunique de la Péninsule Valdés).
Cette péninsule est rattachée au continent par une étroite langue de terre, l'isthme Carlos Ameghino. De part et d'autre de cet isthme se trouvent deux golfes naturels, le Golfo San José au nord et le Golfo Nuevo au sud. La péninsule est immense, elle totalise quelque 360.000 ha de steppe ! Bien qu'ayant été inscrite en 1999 au Patrimoine Mondial de l'Unesco, elle n'en demeure pas moins habitée. Une soixantaine d'estancias y vivent de l'élevage ovin. Le seul village qui s'y trouve est Puerto Piramides (de l'autre côté du Golfo Nuevo, en face de Puerto Madryn), vers lequel nous nous dirigeons pour aller observer les baleines. Le chemin est plutôt long, nous alternons routes asphaltées et pistes poussiéreuses. Il n'y a aucun relief, pas un seul arbre à l'horizon, juste quelques épineux rabougris. Après avoir franchi la barrière d'entrée de la Réserve (et payé nos billets), nous roulons encore et arrivons enfin à Puerto Piramides. C'est un minuscule village de 250 âmes, perdu au milieu de falaises sableuses.
Ces baleines franches australes (Eubalaena australis) n'ont pas de dents, elles absorbent le krill (de minuscules crevettes) à travers leurs fanons, jusqu'à 300 kg par heure ! Régulièrement, elles rejettent l'air des poumons par leurs deux évents (leurs narines), ce qui génère à chaque fois un véritable geyser de 5 m de haut. Durant le printemps austral (de septembre à novembre), elles viennent dans ces eaux préservées de la Péninsule Valdés pour s'y reproduire. Leur espérance de vie est d'environ 60 ans.
Cette baleine nous
présente ici son pectoral
et son flanc gauches.
Ci-contre, les oiseaux marins
"pistent" les baleines à l'affut
de bribes de nourriture.
Ci-dessus, voici l'avant de la
gueule de la baleine, couverte
de callosités (parasites).
La queue de la baleine
lui sert de propulseur
dans ses déplacements.
Il faut reconnaître que photographier ces monstres marins n'est vraiment pas commode, le bateau bougeant sans cesse. Je suis d'ailleurs rapidement pris d'un sérieux mal de mer... Malgré la majesté du spectacle, j'avoue ne pas être mécontent de regagner la terre ferme, à l'issue de cette sortie d'une petite heure en mer !
Nous reprenons la route, en direction du lieudit Punta Delgada, au sud-ouest de la Péninsule Valdés. La steppe est omniprésente, à perte de vue. Nous apercevons parfois, toujours en retrait de la route, ces fameux lièvres de Patagonie appelés ici maras.
En chemin, nous longeons sur la gauche des salines, Salina Grande et Salina Chica, qui sont aussi de vastes dépressions situées à plus de 40 m sous le niveau de la mer. Fréquemment la route est traversée par une barrière qu'il faut ouvrir puis refermer, nous passons ainsi d'une estancia à une autre.
Nous arrivons enfin à Punta Delgada. L'heure a pas mal tourné, et nous allons déjeuner dans l'unique restaurant du lieu. Je choisis un cordero al asador, c'est-à-dire de l'agneau rôti au feu de bois, c'est délicieux. Nous partons ensuite vers les falaises voisines, d'où nous pouvons admirer les tonalités bleu turquoise de l'Atlantique sud.
En contrebas de la falaise se trouve une importante colonie d'éléphants de mer (Mirounga leonina). En restant sur les pentes d'une dune, il est possible de les approcher sans les déranger. Là encore, le spectacle est étonnant. Autour d'un mâle dominant, reconnaissable à sa trompe et à sa grande taille (jusqu'à 5 m et près de 3 tonnes !), se prélassent au soleil une bonne quarantaine de femelles, accompagnées de leurs petits. Ces derniers sont de couleur noire.
Les nombreuses femelles du harem sont presque toutes accompagnées d'un petit.
Une autre "famille" d'éléphants de mer se prélasse au soleil.
Ici, une femelle vient de mettre bas. Mouettes, goélands et pétrels se disputent le placenta du nouveau-né.
Fréquemment, ils dressent la tête vers le ciel et, tout en battant des ailes, ils émettent un cri rauque proche du braiement de l'âne. Lorsqu'on se trouve dans une colonie importante, ces cris retentissent de toute part.
Après cette visite à Caleta Valdés, il est maintenant temps de rentrer à Puerto Madryn, distant d'environ 180 km. La route est toujours aussi monotone, mais nous faisons tout de même en chemin de belles rencontres, notamment des nandous - appelés ici choiques -, qui circulent par groupes et se sauvent en criant à notre arrivée, ou de nombreux guanacos - cousins des lamas -, qui broutent paisiblement les herbes sèches de la steppe.
Quelques
guanacos.
ou choique.
seront pondus dans le terrier, et couvés 40 jours.
Heureux comme un
manchot dans l'eau...
Le ventre plein, et le devoir conjugal ayant été accompli, le manchot de Magellan peut alors pousser son cri préféré !
Alors que j'étais en train de photographier les manchots, mon attention a soudainement été attirée par un tatou. Lui-même intrigué par ma présence, il m'a dévisagé un instant, avant de reprendre tranquillement sa route...
Ainsi s'achève cette incursion dans la faune sauvage de la Patagonie atlantique. Mon après-midi sera consacré à une rapide visite des villes de Gaiman et de Trelew, toutes deux fondées dans la vallée du Rio Chubut par les Gallois, respectivement en 1874 et 1886. L'architecture ne présente aucun intérêt (une place et une statue de San Martin entourés de bâtiments sans caractère), seule y est célébrée une certaine culture galloise. Elle se traduit essentiellement par la présence de nombreuses casas de té (maisons de thé), où l'on peut se réchauffer autour d'un thé brûlant, tout en à goûtant à une pâtisserie spécifiquement "argentino-galloise", la torta negra. Ambiance celtique un peu surjouée, bien trop touristique à mon goût...
Mon séjour en Patagonie atlantique s'achève. Voilà une région que j'avais trouvée ingrate en arrivant, mais qui s'est révélée passionnante, et que je quitte avec regret !
Le soir, je prends un vol à Trelew pour Ushuaia, en Terre de Feu. Ce sera l'objet des prochains articles de ce blog.