De la Péninsule Valdés à Punta Tombo

Publié le par Jean-François

DSCN3897-bUne colonie d'éléphants de mer à Punta Delgada.


Dimanche 27 et lundi 28 septembre 2009.

Ces deux journées vont être consacrées à la découverte de la faune sauvage de la Patagonie atlantique. En ce dimanche, le temps est très clair et dégagé sur Puerto Madryn, en dépit de quelques petits nuages que l'infatigable vent patagon fait défiler à toute vitesse dans le ciel. C'est de très bon augure pour la journée, même si le temps peut toujours changer très rapidement dans cette contrée. Une guide argentine vient me chercher à l'hôtel de bon matin, et j'intègre un petit groupe d'Argentins. Nous sommes huit au total, et nous partons pour la Reserva Faunística Península Valdés (Réserve faunique de la Péninsule Valdés).

Cette péninsule est rattachée au continent par une étroite langue de terre, l'isthme Carlos Ameghino. De part et d'autre de cet isthme se trouvent deux golfes naturels, le Golfo San José au nord et le Golfo Nuevo au sud. La péninsule est immense, elle totalise quelque 360.000 ha de steppe ! Bien qu'ayant été inscrite en 1999 au Patrimoine Mondial de l'Unesco, elle n'en demeure pas moins habitée. Une soixantaine d'estancias y vivent de l'élevage ovin. Le seul village qui s'y trouve est Puerto Piramides (de l'autre côté du Golfo Nuevo, en face de Puerto Madryn), vers lequel nous nous dirigeons pour aller observer les baleines. Le chemin est plutôt long, nous alternons routes asphaltées et pistes poussiéreuses. Il n'y a aucun relief, pas un seul arbre à l'horizon, juste quelques épineux rabougris. Après avoir franchi la barrière d'entrée de la Réserve (et payé nos billets), nous roulons encore et arrivons enfin à Puerto Piramides. C'est un minuscule village de 250 âmes, perdu au milieu de falaises sableuses.

DSCN3667-bLa plage et les falaises de Puerto Piramides.

Toute l'activité du village est tournée vers l'observation des baleines, à des fins touristiques bien sûr, mais aussi sur un plan plus scientifique, puisque de nombreuses universités y envoient des chercheurs. L'excursion vers les baleines commence : après avoir revêtu le gilet de sauvetage rouge-orange réglementaire, nous montons sur un bateau garé sur un chariot, sur la plage. Nous sommes une soixantaine de personnes environ. Un tracteur pousse le bateau à la mer. Très rapidement, nous voyons les baleines - énormes masses noirâtres et luisantes avec la tête couverte de callosités grises - émerger par intermittence de l'eau, et littéralement "jouer" avec le bateau. La plupart d'entre elles sont des femelles, de plus grande taille que les mâles, pesant aux alentours de 35 tonnes... C'est impressionnant ! Elles passent sous le bateau, et surgissent à babord ou à tribord, créant d'énormes remous. Souvent, elles se mettent sur le dos, offrant leur immense ventre à nos regards médusés. En un mot, elles sont cabotines !

DSCN3710-bBaleine et baleineau "jouant" avec le bateau.

Ces baleines franches australes (Eubalaena australis) n'ont pas de dents, elles absorbent le krill (de minuscules crevettes) à travers leurs fanons, jusqu'à 300 kg par heure ! Régulièrement, elles rejettent l'air des poumons par leurs deux évents (leurs  narines), ce qui génère à chaque fois un véritable geyser de 5 m de haut. Durant le printemps austral (de septembre à novembre), elles viennent dans ces eaux préservées de la Péninsule Valdés pour s'y reproduire. Leur espérance de vie est d'environ 60 ans.

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Cette baleine nous
présente ici son pectoral
et son flanc gauches.








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DSCN3747-bCi-dessus, la baleine rejette l'air
des poumons par ses deux évents.










Ci-contre, les oiseaux marins
"pistent" les baleines à l'affut
de bribes de nourriture.






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DSCN3730-bCi-dessus, voici l'avant de la
gueule de la baleine, couverte
de callosités (parasites).













La queue de la baleine
lui sert
de propulseur
dans ses déplacements.


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Il faut reconnaître que photographier ces monstres marins n'est vraiment pas commode, le bateau bougeant sans cesse. Je suis d'ailleurs rapidement pris d'un sérieux mal de mer... Malgré la majesté du spectacle, j'avoue ne pas être mécontent de regagner la terre ferme, à l'issue de cette sortie d'une petite heure en mer !

Nous reprenons la route, en direction du lieudit Punta Delgada, au sud-ouest de la Péninsule Valdés. La steppe est omniprésente, à perte de vue. Nous apercevons parfois, toujours en retrait de la route, ces fameux lièvres de Patagonie appelés ici maras.

DSCN3992-bUn couple de lièvres de Patagonie ou maras.

En chemin, nous longeons sur la gauche des salines, Salina Grande et Salina Chica, qui sont aussi de vastes dépressions situées à plus de 40 m sous le niveau de la mer. Fréquemment la route est traversée par une barrière qu'il faut ouvrir puis refermer, nous passons ainsi d'une estancia à une autre.

DSCN3795-bAnimaux d'une estancia en pleine steppe.

Nous arrivons enfin à Punta Delgada. L'heure a pas mal tourné, et nous allons déjeuner dans l'unique restaurant du lieu. Je choisis un cordero al asador, c'est-à-dire de l'agneau rôti au feu de bois, c'est délicieux. Nous partons ensuite vers les falaises voisines, d'où nous pouvons admirer les tonalités bleu turquoise de l'Atlantique sud.

DSCN3801-bL'Atlantique sud à Punta Delgada.

A cette latitude (43° sud), nous sommes plus au sud que l'Afrique du Sud ou l'Australie. Il est presque angoissant de se dire que, face à nous, il n'y a plus aucune terre émergée, en dehors de la Tasmanie et de la Nouvelle Zélande !

En contrebas de la falaise se trouve une importante colonie d'éléphants de mer (Mirounga leonina). En restant sur les pentes d'une dune, il est possible de les approcher sans les déranger. Là encore, le spectacle est étonnant. Autour d'un mâle dominant, reconnaissable à sa trompe et à sa grande taille (jusqu'à 5 m et près de 3 tonnes !), se prélassent au soleil une bonne quarantaine de femelles, accompagnées de leurs petits. Ces derniers sont de couleur noire.

DSCN3853-bLe mâle est reconnaissable à son nez en forme de trompe et à sa grande taille.

DSCN3839-bIl s'est récemment battu avec un autre mâle, et a du sang séché sur la tête.

DSCN3818-bLes nombreuses femelles du harem sont presque toutes accompagnées d'un petit.

DSCN3866-bUne autre "famille" d'éléphants de mer se prélasse au soleil.

DSCN3886-bIci, une femelle vient de mettre bas. Mouettes, goélands et pétrels se disputent le placenta du nouveau-né.

Nous reprenons la route vers le nord, longeant le littoral, en direction de Caleta Valdés, où nous arrivons une petite heure plus tard. Ici se trouve ce que les Argentins appellent une pingüinera, une colonie de manchots de Magellan (Spheniscus magellanicus).

DSCN3971-bManchots de Magellan à Caleta Valdés.

Cette colonie est assez modeste, comparativement à celle de Punta Tombo, que nous verrons par la suite. Ici, les manchots ont utilisé la pente d'une falaise pour nicher. Chaque couple y possède son terrier, creusé à même le sol. C'est le mâle qui le creuse, en fait il remet en état le nid de l'année précédente. Les manchots passent en effet l'hiver austral au Brésil et s'installent sur la côte atlantique argentine de septembre à mars (été austral) pour se reproduire. La femelle pond en règle générale deux oeufs, qui éclosent en novembre.

DSCN3972-bManchots de Magellan à Caleta Valdés.

Ces curieux oiseaux mesurent 45 cm de haut et pèsent environ 3 kg. Ils se déplacent de façon extrêmement maladroite, et même plutôt comique. Leurs ailes sont inaptes au vol, elles ne leur servent qu'à nager, ce qu'ils font d'ailleurs avec virtuosité. Les manchots ne sont absolument pas farouches, on peut les approcher d'assez près. Mais gare aux coups de bec !

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Fréquemment, ils dressent la tête vers le ciel et, tout en battant des ailes, ils émettent un cri rauque proche du braiement de l'âne. Lorsqu'on se trouve dans une colonie importante, ces cris retentissent de toute part.

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Après cette visite à Caleta Valdés, il est maintenant temps de rentrer à Puerto Madryn, distant d'environ 180 km. La route est toujours aussi monotone, mais nous faisons tout de même en chemin de belles rencontres, notamment des nandous - appelés ici choiques -, qui circulent par groupes et se sauvent en criant à notre arrivée, ou de nombreux guanacos - cousins des lamas -, qui broutent paisiblement les herbes sèches de la steppe.

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Quelques
guanacos.




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Un nandou
ou choique.




Après cette journée très riche en émotions, je passe une soirée de repos amplement méritée à Puerto Madryn. Le lendemain matin (lundi 28 septembre), le temps a complètement changé : une petite pluie fine tombe, ce qui est pourtant relativement rare dans la région, et aucune éclaircie ne se profile à l'horizon. Nous partons cependant pour la  pingüinera de Punta Tombo, située sur la péninsule du même nom, à 180 km au sud de Puerto Madryn. Cette réserve de manchots de Magellan est la plus vaste et la plus importante du monde, ces oiseaux viennent y nicher chaque année au printemps austral, depuis 1947 (sans que l'on sache pourquoi). On évalue la population de la colonie à 500.000 individus ! Nous y arrivons après deux bonnes heures de route et surtout de piste. Bien que temps reste couvert, la pluie a enfin cessé de tomber...

DSCN4068-bPunta Tombo, des manchots de Magellan partout, à perte de vue !

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Le sol est jonché de trous, qui sont autant de terriers de manchot. A chaque terrier correspond un couple.

DSCN4042-bUn couple de manchots de Magellan devant son terrier.

Complètement indifférents à notre présence, ces oiseaux s'accouplent fréquemment. C'est le printemps austral !

DSCN4017-bAccouplement de manchots de Magellan. Deux oeufs
seront pondus dans le terrier, et couvés 40 jours.


Autant les manchots sont maladroits sur la terre ferme, autant ils font preuve de virtuosité dans l'eau, où ils vont pêcher pour se nourrir.

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Heureux comme un
manchot dans l'eau...


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Le ventre plein, et le devoir conjugal ayant été accompli, le manchot de Magellan peut alors pousser son cri préféré !

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Alors que j'étais en train de photographier les manchots, mon attention a soudainement été attirée par un tatou. Lui-même intrigué par ma présence, il m'a dévisagé un instant, avant de reprendre tranquillement sa route...

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Ainsi s'achève cette incursion dans la faune sauvage de la Patagonie atlantique. Mon après-midi sera consacré à une rapide visite des villes de Gaiman et de Trelew, toutes deux fondées dans la vallée du Rio Chubut par les Gallois, respectivement en 1874 et 1886. L'architecture ne présente aucun intérêt (une place et une statue de San Martin entourés de bâtiments sans caractère), seule y est célébrée une certaine culture galloise. Elle se traduit essentiellement par la présence de nombreuses casas de té (maisons de thé), où l'on peut se réchauffer autour d'un thé brûlant, tout en à goûtant à une pâtisserie spécifiquement "argentino-galloise", la torta negra. Ambiance celtique un peu surjouée, bien trop touristique à mon goût...

Mon séjour en Patagonie atlantique s'achève. Voilà une région que j'avais trouvée ingrate en arrivant, mais qui s'est révélée passionnante, et que je quitte avec regret !

Le soir, je prends un vol à Trelew pour Ushuaia, en Terre de Feu. Ce sera l'objet des prochains articles de ce blog.

Publié dans Parcs nationaux

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